Le foncier au Sénégal
Le foncier au Sénégal est un vrai casse-tête, même pour les juristes. En effet, juste après l’indépendance le Sénégal, jusque-là partagé entre deux régimes juridiques (celui du Code civil français et celui de la coutume dans les terroirs sénégalais) en ce qui concerne le foncier, a fait le choix de soumettre la terre à trois (3) régimes différents. Aussi nous avons :
* les terres soumises au régime de l’appropriation privée. Celle-ci a été introduite au Sénégal par la France lors de la colonisation et constituée une application du code civil français. Ainsi, lorsque vous achetez une maison dans un lotissement ou seulement un terrain s’y trouvant, vous avez alors un titre de propriété sur ce foncier. Les règles du droit privé s’applique et vous êtes libre d’en disposer et d’en jouir. Généralement cela se passe en ville.
* les terres soumises au régime du domaine national (loi de 1964). La loi sur le domaine national de 1964 a été votée afin de permettre aux paysans de pouvoir exploiter sereinement les sols disponibles à la campagne mais elle a aussi un autre objectif plus important. Ce dernier a eu pour objectif de lutter contre la spéculation foncière. Ainsi, la loi sur le domaine national dispose que la terre appartient à toute la communauté et peut être exploitée par toute personne qui la met en valeur. Par exemple mon père qui vit à Louga à la campagne me dit chaque fois qu’il a des terres mais en réalité il n’en a pas la propriété. Il jouit de ces terres parce qu’il les met en valeur en faisant de l’agriculture. Cependant, cette loi qui n’arrange pas les spéculateurs et certaines autorités locales peu scrupuleuses, répondant aux sirènes des promoteurs immobiliers, semble confuse dans la tête de « monsieur tout le monde ». De même, cette loi n’est pas toujours facile à appliquer d’autant que les espaces fertiles sont l’objet de toutes les convoitises entre éleveurs et agriculteurs. Ces derniers clôturant souvent ces terres alors que le bétail doit pouvoir passer pour le pâturage. Dans les communes rurales notamment sur « la petite côte » des autorités locales pressées de plus en plus par des demandes et confrontées à des besoins financiers n’hésitent plus à vendre des terrains qui appartiennent au domaine national (quelquefois avec la complicité d’autorités nationales de contrôle). Il est important de signaler que pour soumettre les terres du domaine national à l’appropriation privée, il y a une procédure spéciale qui s’applique. En effet, les terres concernées doivent être DECLASSEES (déclassées) et se retrouvées ainsi dans le domaine privé de l’Etat. Par la suite l’Etat en fait l’usage qu’il souhaite (par exemple les vendre, réaliser des immeubles comme à DALIFORT, ou les mettre à dispositions des collectivités locales).
les terres soumises au régime du domaine de l’Etat. Le domaine de l’Etat est composé de deux (2) parties: le domaine public et le domaine privé. La différence fondamentale entre le domaine public et le domaine privé est la suivante. Le domaine public est soumis au droit administratif c’est à dire l’ensemble des règles de droit s’appliquant à l’Etat et aux autres entités publiques (comme les collectivités locales) dans leurs rapports ou leurs rapports avec les particuliers (exemple les fonctionnaires). Le domaine privé quant à lui est soumis aux règles du droit privé (par exemple la location d’un appartement par un particulier à un autre particulier est soumise au droit privé).
Le domaine public est constitué des bords de mer ou plage jusqu’à une largeur de 100 mètres, des installations d’utilité publique comme les canalisations, les réseaux électriques, les routes et auto-routes ainsi que leurs assiettes c’est à dire les terres qui en sont les supports, des immeubles non déclassés, les ports et aéroports, les gares… Pour ce qui est du domaine privé la définition se fait par exclusion pour simplifier. Il est constitué des terres qui n’appartiennent ni au domaine public, ni au domaine national ni aux particuliers.
Et maintenant, demandez à un « monsieur tout le monde » de vous dire à qui appartient telle ou telle terre de sa collectivité !!! Donc, nous pouvons comprendre la complexité du foncier au Sénégal. Mieux encore, on a constaté de plus en plus de construction d’immeubles à Dakar, qui sont par la suite vendus en appartements. Ainsi, née ce que l’on appelle une « copropriété ». Quelles sont les règles applicables à cette COPROPRIETE ? Où commence et s’arrête le droit de chaque copropriétaire ? Il faut une réponse pour sécuriser l’investissement de tout ce beau monde (la loi de 1988 ne suffit pas).
La balle est dans le camp des autorités.