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Loi Foncière au Sénégal de 2011

Publié: 1 février 2019 dans Uncategorized

Loi foncière 2011-07 du 30 mars 2011 sur le régime de l'immatriculation

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VISION IDY 2019

Publié: 31 janvier 2019 dans Uncategorized

VISION PROGRAMMATIQUE IDY 2019

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Publié: 6 mars 2013 dans Uncategorized

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Dans la tête d’un enfant!

Publié: 28 février 2013 dans Uncategorized

Dans la tête d'un enfant!

Je n’y comprends rien! Et vous?

SOMMAIRE
Première partie: L’interdiction de libéralité dans la cession de biens immobiliers publics
Chapitre 1: Une interdiction de principe d’origine prétorienne
Section 1: Un principe dégagé par le Conseil d’Etat
Section 2: Un principe confirmé par le Conseil Constitutionnel
Chapitre 2: Une interdiction formalisée par la législation à travers les procédures de cession
Section 1: Les obligations procédurales dans la cession de biens immobiliers publics
A- L’obligation d’appel à concurrence pour céder un bien immobilier public
1- Une absence d’obligation pour les collectivités territoriales
2- Une obligation d’appel à concurrence pour l’Etat
B- Les dérogations à l’obligation d’appel à concurrence
1- Le cas des cessions amiables
2- Le cas de l’article L.3112-1 du CGPPP
3- Les dérogations du fait des conditions particulières d’utilisation de l’immeuble
C- La décision de l’autorité compétente
1- Pour les biens immobiliers de l’Etat
a- Le législateur
b- Le ministre en charge de l’économie et des finances
c- Le préfet
2- Pour les biens immobiliers des collectivités territoriales
a- L’avis préalable de France Domaine
b- La décision de l’assemblée délibérante
Section 2: Les formalités procédurales des ventes particulières de biens immobiliers publics
A- En ce qui concerne l’Etat
1- Les biens immobiliers exposés à des activités polluantes
2- Les biens immobiliers du domaine privé à usage de bureau
3- Les immeubles en indivision
4- Les terrains avec un programme de construction de logements en partie sociaux
5- Les biens immobiliers en provenance de successions en déshérence
B- Le terrain d’assiette d’une personne publique d’un monument aux morts
C- Les logements sociaux ou conventionnés vacants

Deuxième partie: Les exigences d’une application cohérente de l’interdiction de libéralité dans la cession de biens immobiliers publics
Chapitre 1: La cohérence de l’action administrative dans l’application du principe d’interdiction de libéralité dans la cession de biens immobiliers publics
Section 1: La définition d’une politique immobilière cohérente
A- La politique immobilière nationale
B- La politique immobilière territoriale
C- La cohérence: une approche globale
Section 2: La généralisation des actions efficaces dans l’application de l’interdiction de libéralité
A- L’action des autorités étatiques
B- L’action des autorités territoriales
Chapitre 2: L’application claire de la jurisprudence « fougerolles »

INTRODUCTION

PARTIE I : L’INTERDICTION DE LIBERALITE DANS LA CESSION DE BIENS IMMOBILIERS PUBLICS

En matière de cession de biens immobiliers publics l’interdiction de libéralité se rapporte concrètement au prix, à la valeur vénale du bien.
Dans ses conclusions relatives à l’arrêt « Fougerolles » du Conseil d’Etat, le commissaire du gouvernement – désormais rapporteur public – Laurent TOUVET écrivait : « La doctrine admet ce principe et ne le discute pas, sans pouvoir lui offrir de fondements de texte ou de jurisprudence: elle le rattache au principe d’égalité […] ». Ainsi, il a cité la note de DAVIGNON (in JCP 1990.II.21424) qui a mentionné ce « […] principe si profondément ancré dans nos traditions politiques et juridiques qu’il n’a jamais fait l’objet d’une formulation législative » .
Pour autant, nous sommes en mesure d’affirmer que l’interdiction de principe des libéralités faite aux personnes publiques dans la cession de leurs biens immobiliers a une origine prétorienne (chapitre 1) et qu’elle a été, par la suite, formalisée par le législateur et le pouvoir réglementaire (chapitre 2), en vue d’organiser sa mise en œuvre.

Chapitre 1: Une interdiction de principe d’origine prétorienne

« L’interdiction des libéralités remonte loin dans l’histoire de la gestion du patrimoine des personnes publiques » .
En ce qui concerne cette étude, nous sommes remontés jusqu’à l’arrêt du Conseil d’Etat du 17 mars 1893, Chemin de fer du Nord et de l’Est (S. 1894.3.119). Aussi, la solution de ce litige, opposant des compagnies de chemin de fer à l’Etat à propos du règlement de factures de transports opérés par ces compagnies au profit de l’Etat en situation de guerre, dégageait déjà un principe général de l’interdiction des libéralités de la part de l’Etat. Même si le Conseil d’Etat a préféré en l’espèce l’expression « créance sur l’Etat sans cause d’obligations préexistantes » à celle de « libéralité » mise en avant par le commissaire du gouvernement ROMIEU dont les conclusions ont été largement suivies par le juge administratif.
Ce principe appliqué de manière générale à l’action des autorités administratives a été dégagé par le Conseil d’Etat (section 1) en deux étapes. Entre ces deux étapes le principe a été affirmé par le Conseil constitutionnel (section 2).

Section 1: Un principe dégagé par le Conseil d’Etat

Bien avant la décision du Conseil constitutionnelle des 25/26 juin 1986 (AJDA 1987, p. 102 et s.), le Conseil d’Etat appliquait la règle de prohibition des libéralités faite aux personnes publiques. Selon Laurent TOUVET, « En matière de prix de cession du patrimoine des collectivités publiques, le Conseil constitutionnel n’a en effet rien inventé […] » .

Toutefois, cette décision du Conseil constitutionnel fait partie de la jurisprudence médiatrice des étapes de l’application du principe de l’interdiction des libéralités par le Conseil d’Etat.
Cette interdiction a été posée, dans un premier temps, par le Conseil d’Etat en dehors des cessions de biens immobiliers publics (A). Elle a été étendue, en second lieu, en matière de prix de cessions de l’immobilier public (B).

A- L’interdiction de libéralité: un principe traditionnel depuis l’arrêt Cie des Chemins du Nord et de l’Est (Conseil d’Etat 17 mars 1893)

Contrairement à ce que véhiculent certains auteurs , l’interdiction de faire des libéralités n’est pas mise en place par le Conseil constitutionnel. Ce dernier a affirmé un « principe traditionnel qui remonte – vu nos sources – à l’arrêt du Conseil d’Etat du 17 mars 1893, Compagnie des Chemins de fer du Nord et de l’Est »
Dans cet arrêt, le commissaire du gouvernement ROMIEU énonçait ainsi de la manière la plus claire le principe de la prohibition des libéralités consenties par l’Etat – ou toute autre collectivité publique – que le Conseil d’Etat devait consacrer de façon non moins nette en considérant que « les transports justifiés par les seules écritures des compagnies (compte tenu des circonstances liées à la guerre et reconnues par l’administration) ne pouvaient être assimilés à des transports non exécutés; que ce mode de justification ne saurait être considéré comme ayant eu pour but et pour effet d’engendrer contre l’Etat des créances sans cause d’obligations préexistantes, et entachant de nullité pour ce motif la transaction [… ]».
Il faut rappeler que dans ses conclusions, en l’espèce, le commissaire du gouvernement a utilisé indistinctement les expressions « libéralité » et « créance sans cause d’obligations préexistantes ». Sans doute aurait-il aimé que le Conseil d’Etat adopta celle de « libéralité » qu’il n’a cessé d’employer pour expliquer le principe en l’occurrence.
Aussi, on relève de son texte ce propos : «Ils (les ministres) ne peuvent pas, non plus, engager les finances de l’Etat sans aucune espèce d’obligation préexistante; c’est, pour employer une expression plus brutale, dire qu’ils ne peuvent pas faire de libéralités, les deniers de l’Etat ne peuvent servir qu’à payer les services faits. Voilà le principe. »

Par ailleurs, face à la difficulté de remonter à la source formelle de cette règle, nous sommes d’avis qu’elle « constitue un principe général du droit ». En ce sens nous savons que le juge administratif déduit l’existence d’un principe général du droit – PGD – de l’application d’un texte ou le dégage de la tradition juridique. Il s’agit de règles jurisprudentielles librement créées par le juge « applicables sans texte » et ayant généralement force obligatoire à l’égard de l’administration . Nous déduisons aussi cet avis des conclusions précitées de ROMIEU dans la mesure où pour invoquer le principe de l’interdiction faite aux collectivités publiques d’accorder des libéralités, il ne cite aucune autre source certaine qu’un arrêt du Conseil d’Etat (Banque de France du 18 mai 1877, S.1878.2.28) tout en rappelant que : « Le ministre qui, au lieu de faire une transaction, fait une libéralité, est incompétent, il empiète sur le domaine du pouvoir législatif, il y a là une nullité d’ordre public opposable à toute époque ».

Ce principe ainsi mis en place a été étendu en matière de prix de cession de biens immobiliers publics.

B- L’interdiction de libéralité: un principe étendu en matière de prix de cession de l’immobilier public

Ce principe général du droit « s’est imposé au XIXe siècle à l’égard des biens publics » même si le Conseil d’Etat « a eu peu d’occasion d’en censurer » la violation. L’arrêt Ruellan du 21 avril 1899 constitue, pourtant, un exemple de sanction de libéralité faite par une collectivité publique. Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a confirmé la décision du préfet annulant une « autorisation donnée par le maire [de Lannion] à un particulier de pratiquer sous le sol d’un chemin rural non reconnu un passage souterrain destiné à mettre en communication deux parties d’une propriété [privée] » au motif que cette autorisation constitue une libéralité car elle a été donnée sans contrepartie – en l’espèce sans « stipulation de redevance » (CE 21 avril 1899, Ruellan, S.1901.III.116).
L’existence de ce principe que la doctrine « ne discute pas » a pour fondement selon J-M AUBY « la règle selon laquelle les individus sont égaux dans l’utilisation des biens publics »; tandis que Laurent TOUVET y voit « la conséquence du critère de l’intérêt général exigé pour admettre la légalité d’une délibération d’une collectivité locale ».
L’extension du principe en matière de prix de cession de biens immobiliers publics s’est davantage fait remarquée au XXe siècle. Il en est ainsi à propos de l’arrêt Société des établissements Arbel du 25 novembre 1927 (Rec. 1927. 1114) par lequel le Conseil d’Etat confirme la décision du préfet annulant la décision d’une commune, qui en cédant des terrains publics à cette Société lui rembourse, en même temps, une partie des frais de réalisation du projet d’installation d’une usine dans cette localité.
Au demeurant, il est incontestable que c’est l’arrêt Commune de Fougerolles (CE, 3 nov. 1997, RFDA 1998. 12) qui a le plus marqué les esprits. En l’occurrence, le commissaire du gouvernement l’a fort bien exprimé dans ses conclusions: « Votre décision, très attendue, revêtira une grande importance, car la pratique de la vente au franc symbolique semble assez répandue, et l’administration ne sait pas quelle position adoptée […] ». Aussi, le Conseil a solennellement confirmé le principe (1) tout en fixant des aménagements possibles (2) dans son application.

1- Le prix de cession des biens immobiliers publics : objet de confirmation du principe

La référence au prix de cession des biens immobiliers publics résultent de la combinaison de plusieurs facteurs. D’abord, les conditions d’octroi d’aides immobilières par les collectivités territoriales aux entreprises, sous le régime de la loi n° 82-6 du 7 janvier 1982 (article 4) codifiées ultérieurement au CGCT (art. L. 1511-3 et R. 1511-4 et s.), faisaient la distinction entre les aides directes et les aides indirectes . Les aides indirectes étant libres sauf celles qui sont relatives à la revente ou la location de bâtiments par les collectivités territoriales ou leurs groupements. La vente d’un terrain à un prix symbolique a été considérée comme une aide indirecte . Ensuite, « le droit communautaire des aides d’Etat n’effectue aucune distinction entre la nature des biens : seule compte […] l’adéquation du prix avec les conditions du marché ». Enfin, le Conseil constitutionnel a affirmé le principe de l’interdiction des ventes à « vil prix » des biens publics.
C’est ce principe que le Conseil d’Etat a rappelé dans l’arrêt Commune de Fougerolles, confirmant ainsi en matière de prix de cession d’un terrain nu – bien du domaine privé – sa jurisprudence antérieure relative à la prohibition des libéralités sans contrepartie.
Le principe ainsi fixé n’est pas sans possibilités d’aménagements clairement affirmées par le Conseil d’Etat même au-delà du domaine des aides immobilières aux entreprises.

2- Le prix de cession des biens immobiliers publics : enjeu d’aménagements du principe

Des facteurs évoqués tantôt, nous constatons avec Salim ZIANI que l’ « enjeu juridique [s’est] recentré […] sur la question du prix » dont le « caractère dérisoire ou non […] est analysé à l’aune des engagements réciproques, qui ne sont pas nécessairement de nature financière ».
C’est ainsi que l’interdiction des libéralités n’est pas strictement appliquée lorsque la cession d’un terrain ou un bâtiment par la collectivité pour un prix inférieur à sa valeur si le cessionnaire participe à une mission d’intérêt général et l’avantage octroyé trouve une contrepartie suffisante. Ce sont ces deux conditions formulées par l’arrêt Commune de Fougerolles et réitérées par l’arrêt Commune de Mer qui aménagent l’interdiction. P. YOLKA résume bien la situation dans sa note sur l’arrêt Commune de Mer du Conseil d’Etat : « […] la possibilité de céder certaines composantes des patrimoines publics au rabais, pour des motifs d’intérêt général et moyennant des contreparties suffisantes, jouait sans conteste – en tout cas, à l’époque [ de l’arrêt Fougerolles] – à propos des aides immobilières aux entreprises; mais le juge indique clairement qu’elle s’applique au-delà, à toute cession consentie au profit de personnes poursuivant des fins d’intérêt privé ».

Il faut dire qu’entre temps, le principe a acquis une valeur constitutionnelle et qu’il a dû être concilié avec d’autres principes constitutionnels notamment celui de la libre administration des collectivités territoriales introduit par la Constitution de 1958. Seulement, cette solution n’a pas tout résolu en particulier les questions de définition de la subvention, de la cession au franc symbolique ou du rabais par rapport à la libéralité. D’où les solutions ultérieures bridées, en la matière, de la jurisprudence administrative.

Section 2: Un principe de valeur constitutionnelle depuis 1986

En 1986 le Conseil constitutionnel a affirmé la valeur constitutionnelle de l’interdiction de libéralité faite aux collectivités publiques dans la cession de leurs biens notamment immobiliers.
La décision du Conseil constitutionnel des 25 et 26 juin 1986, relative aux privatisations, énonce en son considérant 58 :
« Considérant que la Constitution s’oppose à ce que des biens ou des entreprises faisant partie du patrimoine public soient cédés à des personnes poursuivant des fins d’intérêt privé pour des prix inférieurs à leur valeur; que cette règle découle du principe d’égalité invoqué par les députés auteurs de la saisine; qu’elle ne trouve pas moins un fondement dans les dispositions de la Déclaration des droit de l’homme de 1789 relatives au droit de propriété et à la protection qui lui est due; que cette protection ne concerne pas seulement la propriété privée des particuliers mais aussi, à un titre égal, la propriété de l’Etat et des autres personnes publiques .»
Cette solution implique trois remarques : d’abord elle étend au législateur le principe de l’interdiction de libéralité dans la cession de biens publics; ensuite elle consolide la position adoptée traditionnellement par le Conseil d’Etat en ouvrant la possibilité d’aménagements; enfin elle donne un fondement textuel au principe d’interdiction de libéralité sans contrepartie. La dernière remarque n’appelant pas à un commentaire supplémentaire nous nous intéressons aux deux (2) premières.
En ce qui concerne la première remarque, il faut noter que la solution du Conseil constitutionnel est intéressante dans la mesure où ce dernier s’inscrit de cette manière dans la continuité de la jurisprudence administrative, illustrant, de ce fait, « le dialogue des juges ». Ce principe qui s’étend au législateur marque aussi la fin de la thèse de ROMIEU, dans ses conclusions précitées, défendant la non-application du principe au législateur. Disons-le clairement, cette position de ROMIEU a été fondée par « le légicentrisme » ou selon la formule de Carré de Malberg « le parlementarisme absolu » des IIIe et IVe Républiques en France. La Constitution de la Ve République a notamment pour objet de limiter la prééminence du Parlement .
La deuxième remarque prolonge cette idée de « dialogue des juges » en ce sens qu’à la suite du Conseil d’Etat, le juge constitutionnel ouvre la possibilité d’aménagements au principe. En effet, le Conseil constitutionnel n’interdit la libéralité que si la personne bénéficiaire poursuit des fins d’intérêt privé. C’est une solution analogue qui ressort de la décision du Conseil d’Etat dans l’arrêt Société des établissements Arbel (précitée) « Considérant qu’il est interdit d’accorder à un redevable aucune remise de l’impôt, et, par conséquent, aucune remise de droits d’octroi, ni aucun remboursement de ces droits, si ce n’est lorsque ce redevable se trouve associé à un service public; que tel n’était pas le cas de la Société des établissements Arbel […]; considérant d’autre part qu’il n’appartient pas aux conseils municipaux d’allouer sur les fonds communaux des subventions à des entreprises privées; que s’il peut être dérogé à cette règle dans des cas exceptionnels où un intérêt public l’exige, il n’est pas justifié, dans l’espèce, d’un intérêt public qui pût motiver une telle dérogation […] ». Donc annulation justifiée de la délibération de la commune.

Par conséquent, cette interdiction affirmée par le Conseil constitutionnel, rappelée à plusieurs reprises , ne s’applique pas non plus lorsque la personne bénéficiaire de la cession du bien immeuble public est une personne publique. La constitutionnalité de cessions de biens publics entre personnes publiques à des prix inférieurs à leur valeur a été expressément formulée dans la décision du Conseil constitutionnel du 3 décembre 2009 (Cons. Const., n° 2009-594 DC, loi relative à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports: JO 9 déc. 2009, p. 21243; RJEP, juin 2010, p. 30).

Par ailleurs, l’interdiction de libéralité faite par les personnes publiques lors de la cession de biens immobiliers publics est maintenant formalisée dans les textes législatifs et réglementaires qui organisent les procédures des dites-cessions.

Chapitre 2: Une interdiction formalisée par la législation à travers les procédures de cession de l’immobilier public

L’efficacité d’un principe ou d’une règle de droit requiert des mécanismes d’application et de mise en œuvre. Parmi ces derniers nous retenons le concept de transparence que la jurisprudence administrative française et le droit communautaire ont érigé en principe .
Cette problématique de la transparence occupe depuis une vingtaine d’année (notamment avec la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, dite « loi Sapin » ) la plupart des analyses sur les contrats des personnes publiques. Le principe de transparence devant guider « l’ensemble des contrats passés par les collectivités publiques » implique une obligation de mise en concurrence « qui ne réside pas dans la nature du contrat liant la personne publique à l’entreprise [ou toute personne poursuivant des fins privées], mais dans les conséquences que cette relation peut avoir sur le fonctionnement du marché ».
En droit interne, la transparence vise également à protéger les personnes publiques contre elles-mêmes car leurs actions peuvent aller à l’encontre de l’intérêt général. Jean RIVERO rappelle l’exemple de l’édit de Moulins, en 1566, qui a posé le principe d’inaliénabilité des biens de la couronne. Le principe d’interdiction des ventes à « vil prix » des biens immobiliers publics corrobore cet état d’esprit.
Ce principe interdisant la libéralité lors de la cession d’un bien immobilier public a été formalisé à travers des obligations positives de procédures (section 1), qui ne s’applique pas, notamment, lors de certaines ventes particulières (section 2).

Section 1: Les obligations positives de procédure induites par l’interdiction de libéralité

Ces obligations positives de procédure se réfèrent aussi bien aux aspects de la domanialité publique qu’aux règles de mise en concurrence inhérentes aux contrats publics.
Parmi les aspects classiques de la domanialité publique, il faut noter l’obligation de déclassement des biens du domaine public avant leur cession (A) par l’autorité compétente (C).
Quant à la mise en concurrence préalable (B) des partenaires des collectivités publiques, elle permet de s’assurer que le principe est respecté par ces dernières.

A- L’obligation de déclassement des biens domaniaux publics

Une collectivité publique peut aliéner un bien appartenant au domaine public dès lors que ce bien ne fait plus l’objet d’une affectation soit à l’usage direct du public, soit à un service public.
Cette désaffectation est constatée par un acte de déclassement , préalable à toute cession du domaine immobilier public (article 2141-1 du CGPPP). La règle a été récemment rappelée par le Conseil d’État « Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et qu’il est constant, que depuis 1952 le bâtiment en cause n’est plus affecté au service public des écoles élémentaires; que si la désaffectation en 1952 de ce bâtiment du service public des écoles, en vue de son affectation au service public municipal, devait à cette date être soumise à la procédure prévue par l’article 13 de la loi du 30 octobre 1886 précité, ce bâtiment, que cette procédure ait ou non été alors mise en œuvre, n’était plus, lorsque le conseil municipal a décidé, par la délibération du 30 octobre 2003, de procéder à son déclassement du domaine public municipal, affecté au service public des écoles; que, dès lors, le conseil municipal pouvait, par cette délibération, procéder à son déclassement sans mettre préalablement en œuvre la procédure de désaffectation du service public des écoles désormais prévu par les dispositions de l’article L. 2121-30 du CGCT […]; Considérant, qu’ainsi qu’il a été dit, le conseil municipal a pu légalement procéder, par la délibération attaquée, au déclassement du bâtiment litigieux en vue de son aliénation, sans recueillir l’avis du représentant de l’État […] » (CE, 27 janvier 2010, Commune de Mazayes-Basses: AJDA 2010, p. 1282).
Toutefois, cette obligation a été supprimée pour les transferts de biens publics domaniaux entre les personnes publiques (CGPPP, art. L. 3112-1 et 3112-2). Ce transfert peut même se faire à titre gratuit (CE, sect. Intérieur avis, 26 juil. 2005 : Dr. Adm. 2006, n° 76).

L’obligation de déclassement est une des conséquences du principe d’inaliénabilité des biens du domaine public, qui, pour nous, est la protection suprême de l’immobilier public et par ricochet cautionne l’interdiction de libéralité dans ce domaine.

B- La mise en concurrence préalable à toute cession d’immobilier public

Notons que le CGPPP – Code général de la propriété des personnes publiques – fait référence indistinctement aux termes de « appel à la concurrence » ou « mise en concurrence ». Cependant, ces termes renvoient pour l’essentiel à une cession par adjudication publique ou à l’amiable; avec une publicité préalable.
La mise en concurrence imposée par le CGPPP n’a rien d’atypique. C’est ce qu’explique Lucien RAPP lorsqu’il écrit: « Le droit des contrats publics est tout entier construit sur un principe simple, dont les juridictions généralisent peu à peu l’usage: les conventions conclues par les personnes publiques sont précédées de procédures de mise en concurrence de plusieurs candidats. C’est, nous, dit-on, une affaire de transparence et plus profondément encore, de morale et d’efficacité publique […] auxquelles il n’est fait exception que de manière très limitée et toujours exceptionnelle ».
En l’absence de dispositions législatives ou réglementaires spéciales le choix d’un acquéreur de l’immeuble est libre pour certaines personnes publiques, qui sont ainsi dispensées d’une publicité préalable et d’appel à la concurrence des candidats (1). Alors même que l’État est soumis à l’obligation de mise en concurrence (2).

1- Une absence d’obligation de mise en concurrence pour certaines collectivités publiques

À l’exception des collectivités d’outre-mer , et sous réserve de dispositions spéciales législatives ou réglementaires , les collectivités publiques autres que l’État peuvent choisir librement leur cocontractant acquéreur du bien immobilier cédé. Aussi, elles n’ont aucune obligation de publicité préalable à la cession.
Le recours à l’adjudication publique n’est plus obligatoire pour les collectivités territoriales : « les ventes peuvent donc avoir lieu à l’amiable, sans publicité ni mise en concurrence ». En effet, depuis la suppression en 1994 de l’ancien article L. 311-8 du Code des communes qui les prévoyaient, la procédure de vente des biens immobiliers communaux est quasiment-libre. Le CGPPP renvoie au Code général des collectivités territoriales pour la procédure requise (CGPPP, art. 3211-14; art. 3211-23).

Nous verrons que les textes n’en organisent pas moins des procédures permettant de vérifier le respect du principe d’interdiction de libéralité applicable à toute personne publique.

2- Une obligation de mise en concurrence pour l’État

Les collectivités territoriales sont moins contraintes que l’État en matière de cession de biens immobiliers publics. Le CGPPP autorisant les cessions des immeubles du domaine privé de l’État renvoie à un décret en Conseil d’État pour en fixer les conditions (CGPPP, art. L. 3211-1; L. 3211-21; L. 3211-24).
Il faut dire qu’il y a une procédure ordinaire de cession des biens immobiliers de l’État (a) moyennant certaines dérogations (b).

a- La procédure ordinaire: publicité et appel à concurrence

Cette procédure ordinaire de cession du patrimoine immobilier de l’État est organisée, pour le moment, par la partie réglementaire du Code du domaine de l’État – CDE – (art. R. 129 à R. 129-4).
La cession a lieu, soit par adjudication publique, soit à l’amiable. Toutefois, ces opérations sont précédées d’une publicité et un appel à concurrence (CDE, art. R. 129).
C’est en fonction de la nature et de l’importance de l’immeuble à céder que l’autorité compétente – en général le préfet – détermine les modalités de publication. Toujours est-il que l’avis de cession précise les éléments fondamentaux (localisation, caractéristiques) de l’immeuble ainsi que les informations relatives à l’opération de cession (présentation des offres, l’organisation de visites).

On voit bien que ces exigences ont pour objectif principal la transparence des opérations de cession qui, au demeurant, permettent un contrôle ouvert, pour ne pas dire populaire, de la sortie de biens du patrimoine immobilier de l’État. À terme cela va faciliter le contrôle du respect du principe interdisant les libéralités en matière de cession immobilière par les personnes publiques.

b- Les dérogations à la procédure ordinaire

Ces dérogations sont prévues par l’article R. 129-5 du CDE qui n’exige aucune publicité pour les cessions suivantes:
– En cas de prédétermination juridique de l’acquéreur
– Du fait des conditions particulières d’utilisation de l’immeuble
– Pour un immeuble affecté à l’utilité publique
– Du fait d’une adjudication publique infructueuse

Pour autant, l’absence de contrôle populaire de ces opérations de cession, n’entame en rien l’obligation de respecter le principe d’interdiction de libéralité.

C- La décision de l’autorité compétente

L’intervention de la décision de cession d’un bien immobilier public est enserrée dans un circuit permettant d’en contrôler la régularité et par conséquent le respect du principe prohibant les libéralités des personnes publiques.
Cela est valable aussi bien pour l’État (1) que pour les autres collectivités publiques nationales (2) ou locales (3).

1- Pour les biens immobiliers de l’État

Au préalable, nous signalons que: « sauf dérogations légales, les biens [immobiliers] de l’État ne peuvent être aliénés que moyennant un prix correspondant à leurs valeurs vénales ».
La procédure d’aliénation d’un bien immobilier de l’État fait intervenir différentes autorités en fonction de la nature et du prix de ce bien.

a- Le législateur

Sauf stipulations contraires, les bois et forêt de l’État – qui appartiennent au domaine privé – ne peuvent être aliénés qu’en vertu d’une loi (CGPPP, art. L. 3211-5, al. 1). Normalement, le processus de vote d’une telle loi devrait garantir la transparence en la matière et contrer toute tentative de dilapidation du patrimoine immobilier en question.

b- Le ministre en charge des domaines

Depuis le 1er janvier 2002 – date d’entrée en vigueur du décret n° 2001-95 du 2 fév. 2001, art. 1 et 7)- le ministre en charge des domaines est en principe compétent pour autoriser l’adjudication publique d’un immeuble dont la valeur vénale dépasse 1 100 000 euros. Alors, même qu’il est aussi compétent pour autoriser la cession amiable d’un immeuble dont la valeur vénale a atteint 550 000 euros.
Toutefois, il peut arriver que d’autres ministres soient compétents pour prendre la décision d’aliénation. Il en est ainsi lors de la cession d’immeubles acquis ou aménagés par le ministère de l’équipement et du logement pour la réalisation de villes nouvelles ou de centres urbains nouveaux. Dans ce cas, la compétence relève de ce même ministre (CDE, art. R. 143, al. 2).

c- Le préfet

Sauf dispositions spéciales, c’est le préfet du département de la situation de l’immeuble qui consent à la cession dans les conditions fixées par France Domaine à travers un avis (antérieurement à 2006 cet avis était donné par le directeur des services fiscaux)[voir les articles R. 129 à R.129-4, CDE]. L’avis favorable du ministre chargé du logement est également requise lorsqu’il s’agit de céder des immeubles en vue de favoriser la construction (CDE, art. R.139).

2- Pour les autres collectivités publiques nationales

Pour les établissements publics nationaux, les sociétés et entreprises nationales, c’est le service des domaines [France Domaine] qui procède à la cession de leurs biens immobiliers, s’ils en font la demande et qu’il doit être fait appel à concurrence (CDE, art. R. 135).
Par ailleurs le CGPPP (art. L. 3211-13) exige l’accord du préfet lorsqu’un établissement public administratif – EPA- envisage de céder un immeuble de son domaine privé toujours utilisé par ses services. Le préfet veille ainsi à la préservation de la continuité du service public par le biais des clauses de l’acte d’aliénation.

3- Pour les biens immobiliers des collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics

Les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics cèdent leurs immeubles dans les conditions fixées par le Code général des collectivités territoriales – CGCT. Que ce soit la vente (CGPPP, art. L.3211-14) ou l’échange (CGPPP, art. L.3211-23).
Ces conditions sont prévues aux articles L.2241-1, L.3213-2, L.4221-4, L.5211-37 et L.5722-3 du CGCT pour respectivement, les communes, les départements, les régions, les EPCI et les syndicats mixtes.
Ces articles du CGCT exigent deux conditions majeurs : un avis préalable de France Domaine (a) et une décision de l’organe délibérant (b).

a- L’avis préalable de France Domaine

Dans le système ancien, organisé par l’article 23 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 dite « loi MURCEF », cet avis était donné par le directeur des services fiscaux. Aussi, antérieurement à cette loi le juge administratif a eu à sanctionné l’absence de l’avis préalable du service des domaines par la nullité (CAA Paris, 20 janvier 2000, Cne de Vieux Champagne: Rec. CE 2000, tables p. 805).

Depuis l’ordonnance précitée de 2006, cet avis préalable est donné par « l’autorité compétente de l’État », et plus précisément par France Domaine . L’avis évalue le bien immobilier en cause et la délibération de l’assemblée de la collectivité qui souhaite le vendre doit expressément viser cet avis de France Domaine.
Cet avis est un outil de contrôle de la cession du bien immobilier public notamment de son prix de cession qui doit correspondre, sauf disposition spéciale, à sa valeur vénale.

b- La décision de l’assemblée délibérante

Le CGCT (les articles précités) précise ainsi que toute cession d’immeubles donne lieu à une délibération motivée du Conseil qui porte sur les conditions de la vente (ou de l’échange)et ses caractéristiques essentielles. De même, le Conseil délibère au vu de l’avis de France Domaine.
Cette délibération en conseil devrait garantir la transparence en matière de gestion de l’immobilier public et le respect des principes et des règles qui régissent cette matière.

Il faut toutefois préciser que la phase de conclusion de l’acte de cession du bien immeuble est généralement confiée à l’autorité exécutive (maire, présidents du conseil général ou du conseil d’administration…).

Section 2: Les formalités exceptionnelles de certaines cessions immobilières publiques

Des règles particulières ont été prévues pour la cession de certains biens domaniaux ou immobiliers. Ces règles figurent dans différents codes ou textes cependant, pour notre propos, un certain nombre de cas sont étudiés en ce sens qu’ils nous permettent de ne pas s’éloigner de la thématique.

La particularité des cas évoqués ici c’est qu’ils confèrent aux personnes publiques concernées la possibilité de faire une libéralité lors de la cession d’immeubles domaniaux. Même si la procédure de cession est encadrée afin d’atteindre l’objectif visé par cette possibilité exceptionnelle.
Il en est ainsi des terrains domaniaux étatiques d’un monument au mort (A) ou destinés en partie au moins au logement social (B). C’est également le cas des logements sociaux ou conventionnés vacants (C) et des immeubles publics cédés en matière d’aides immobilières aux entreprises (D).

A- La cession gratuite de terrain domanial étatique d’un monument au mort

Les terrains appartenant à l’État et destinés à l’édification de monuments commémoratifs de la guerre – les monuments aux morts pour la France – peuvent être cédés gratuitement par l’autorité compétente (le préfet du département de localisation du bien) aux communes intéressées (CGPPP, art. L.3212-1; CDE, R. 129-5, 2°).
Dans ce cas la consultation de France domaine pour évaluation du bien, telle que fixée par l’article R.129-4 du CDE, n’est pas nécessaire.

B- La cession avec décote de terrain domanial étatique destiné partiellement au logement social

La réalisation des objectifs en matière de politiques de l’habitat peut amener l’État à céder des immeubles domaniaux en vue de la réalisation de programmes de logement social. Pour cela, l’État peut légalement aliéner des terrains de son domaine privé à un prix inférieur à leur valeur vénale (CDE, R.148-5).
Cette décote qui procure un avantage financier à l’acquéreur au détriment de l’État doit être compensée pour respecter le principe d’interdiction de libéralité. Aussi, les conditions d’application de la décote montrent bien l’influence de l’interdiction de libéralité (1) sur les opérations immobilière de l’État relative au terrain domanial. Cette influence a une portée déterminée par les obligations du bénéficiaire de la décote (2).

1- L’influence de l’interdiction de libéralité sur la cession avec décote de terrain domanial

Le préfet peut décider d’appliquer une décote, au plus égale à 25%, sur le prix d’aliénation d’un terrain destiné à recevoir un programme de logements, à condition que ce dernier comporte des logements locatifs sociaux. Dans certaine zone, définie par arrêté conjoint des ministres chargés du budget et du logement, la décote peut aller jusqu’à 35% du produit de la valeur vénale du terrain. Les logements locatifs sociaux sont ceux désignés aux 3° et 5° de l’article L. 351-2 du Code de la construction et de l’habitation – CCH (c’est à dire ceux ayant reçu des subventions publiques et les logements-foyers) ainsi que les immeubles assimilés énumérés par l’article L. 3211-7 du CGPPP . Par ailleurs, « l’avantage financier résultant de la décote est exclusivement et en totalité répercuté dans le prix de revient des logement locatifs sociaux réalisés sur le terrain aliéné » (CDE, art. R. 148-6, al. 2).
C’est France Domaine qui fixe le montant de la décote.
Toutefois, le programme de construction doit être réalisé dans un délai de cinq (5) ans à compter de l’aliénation du bien. Dans le cas contraire, l’État résilie la cession ou récupère le montant de la décote (CDE, art. R. 148-6 et s.).
En effet, la libéralité est ici justifiée par des considérations d’intérêt public: la mise en œuvre du droit au logement, la lutte contre la pénurie de logements locatifs.

2- La portée de l’influence du principe d’interdiction de libéralité sur la cession d’immeubles domaniaux avec décote

Dans la jurisprudence relative à l’interdiction de libéralité dans la cession de biens immobiliers publics (Commune de Fougerolles en 1997 ou Commune de Mer en 2009), le Conseil d’État retient deux conditions indispensables. En effet, il admet la possibilité de céder un immeuble public à un prix inférieur à sa valeur vénale pour des « motifs d’intérêt général » et moyennant des « contreparties suffisantes ».
Ainsi, en application de l’article L. 3211-7 du CGPPP, alors même que cet article peut faire office d’écran en application de la théorie de la « loi-écran » , le préfet peut légalement céder des immeubles domaniaux à un prix inférieur à leur valeur évaluée par France Domaine sous les conditions suivantes prévues par la partie réglementaire du Code du domaine de l’État.
D’abord les immeubles concernés (terrains domaniaux) doivent être destinés à un programme de construction de logements dont une partie en locatif social. Ensuite, le programme doit être réalisé dans un délai de cinq (5) ans à compter de l’aliénation des terrains domaniaux (CDE, art. R. 148-8). Enfin, une condition résolutoire ou suspensive de la cession doit être insérée dans l’acte d’aliénation. Celle-ci doit prévoir qu’ « en cas de non réalisation du programme de logements locatifs sociaux dans le délai de cinq ans à compter de l’aliénation, au choix de l’État, soit la résolution de la vente sans indemnité pour l’acquéreur, soit le remboursement de la décote ainsi que le montant des indemnités contractuelles applicables » (CDE, art. R. 148-9, al. 2).
Ici les motifs d’intérêt général sont confondus à la réduction du déficit de logements sociaux et de « l’impact attendu de la répercussion intégrale de la décote sur le prix de revient des logements locatifs sociaux bénéficiaires ». Quant à la condition de contreparties suffisantes, elle est respectée avec la réalisation des logements locatifs sociaux qui ne peut être hypothétique d’autant qu’une sanction de non réalisation est impérativement prévue par l’acte de cession.

C- La cession de logements sociaux ou conventionnés vacants

Les logements conventionnés sont ceux à usage locatif, appartenant à des bailleurs ou gérés par eux, soumis à des obligations définies par décret et conformes à des conventions-types annexées à ce décret (CCH, art. L. 351-2, 2°). Ces bailleurs peuvent être des collectivités locales .
Les logements sociaux ou conventionnés ont la particularité d’être acquis, construits ou améliorés avec des moyens d’aides publiques en vue de loger des personnes défavorisées mentionnées à l’article L. 301-1 du CCH. Ceux qui sont concernées par notre étude appartiennent soit aux collectivités territoriales ou leur groupements, soit aux offices publics de l’Habitat – OPH .

Comme cela est dit plus haut, les logements sociaux ou conventionnés sont des outils de réalisation des politiques publiques en matière de droit au logement et la nécessaire mixité sociale des villes et des quartiers. Aussi, la loi SRU fait obligation aux communes, sous réserve de sanctions financières, la construction d’un quota de 20% de logements sociaux (CCH, art. L. 302-5).

Cependant, ces logements construits avec le concours patrimonial des personnes publiques ne peuvent être librement cédés, lorsqu’ils sont vacants, car cela reviendrait à priver d’effet utile au principe d’interdiction des libéralités. Les logements vacants sont en général les locaux vides par absence de locataires ou ceux pour lesquels les occupants n’ont plus de titres valables au maintien dans les lieux
La préservation de l’effet utile du principe interdisant la libéralité lors de la cession d’immeubles publics se manifeste dans un mécanisme orienté de possibilités de cession des logements sociaux ou conventionnés vacants (1) et des sanctions applicables en cas de non respect de ce mécanisme (2).

1- Le mécanisme orienté des cessions de logements sociaux ou conventionnés vacants

La loi SRU précitée a pérennisé, de façon illimitée dans le temps, le caractère social des logements appartenant à des organismes d’HLM (CCH, art. L. 411-3) dès lors qu’ils ont été financés avec une aide de l’État .
Aussi, pour préserver ce caractère social des logements sociaux ou conventionnés, le législateur a enserré leurs cessions dans un mécanisme de « garantie d’éviction ». Cette « garantie d’éviction » du caractère social de ces logements est en même temps un moyen de consacrer l’absence de libéralités de la part des collectivités publiques concernées. Ce mécanisme est concrétisé à travers des obligations de formalités pour les contractants (a) et des mentions obligatoires de l’acte de cessions (b).

a- Des obligations de formalités pour les contractants

Il faut distinguer selon que le cédant est une collectivité territoriale ou un OPH.

– En cas de cession par un OPH : sauf dispositions contraires , un OPH ne peut céder un logement social ou conventionné (pour les logements-foyers application de l’article L. 443-15-6 du CCH) que si ce dernier a été construit ou acquis depuis plus de 10 ans et cette cession ne doit pas avoir pour effet de réduire le parc de logements sociaux locatifs existants sur le territoire de la commune ou de l’agglomération concernée (CCH, art. L. 443-7). Aux termes de ce même article, la décision d’aliéner est prise par l’OPH propriétaire et elle est transmise au préfet du département de localisation de l’immeuble qui consulte la commune d’implantation ainsi que les collectivités publiques ayant accordées leur garantie aux emprunts contractés pour la construction, l’acquisition ou l’amélioration du logement. À défaut d’opposition dans le délai de 2 mois, la décision est exécutoire.
Aussi, l’offre de cession doit être faite en priorité à l’ensemble des locataires de logements HLM dans le département par voie de publicité définie par l’article R. 443-12 du CCH.
Le prix de vente fixé par l’OPH, après avis du maire de la commune d’implantation, peut être inférieur à l’évaluation faite par France Domaine lorsque l’acquéreur est une personne physique ou un organisme d’HLM ou une SEM (CCH, art. L. 443-12).

Lorsque la cession à titre onéreux ou gratuit concerne des biens conventionnés, l’acquéreur doit obligatoirement s’engager à respecter toutes les stipulations de ces conventions (CCH, art. L.353-17) qui s’imposent à lui de plein droit (CCH, art. L. 353-4).

– En cas de cession par une collectivité territoriale : les formalités décrites tantôt, à l’exception de celles de l’article L.443-14 du CCH sont applicables en matière de cession de logements locatifs sociaux conventionnés (CCH, art. L. 443-15-2-1) ou logements-foyers conventionnés (CCH, art. L. 443-15-6) qui appartiennent aux collectivités territoriales. Toutefois, l’offre de cession en priorité n’est adressée qu’aux seuls locataires sociaux résidant sur le territoire de la collectivité territoriale (CCH, art. R. 443-12-1 et R. 443-21-1).

Les dispositions susmentionnées concernant l’acquéreur sont également applicables.

b- Des mentions obligatoires de l’acte de cession

Aux termes de l’article R. 443-12-2 du CCH, tout acte authentique de vente, à peine de nullité, d’un logement vacant à une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales, doit reproduire le texte de l’engagement de cette collectivité ou groupement de mettre le logement pendant au moins quinze (15) ans à la disposition de personnes défavorisées.
De même, lorsqu’ils vendent les logements-foyers leur appartenant depuis plus de dix (10) ans, les OPH doivent faire reproduire sur l’acte de mutation, à peine de nullité, les dispositions de l’article L. 443-15-6 du CCH.

Par ailleurs, l’acte de cession des biens conventionnés doit faire mention des-dites conventions (CCH, art. L. 353-17, al. 1).

2- Les sanctions du non-respect du mécanisme orienté de cessions de logements sociaux ou conventionnés vacants

Ces sanctions incitent au respect de l’objectif d’intérêt général poursuivi par les pouvoirs publics dans la mise en œuvre des politiques en matière d’habitats notamment sociaux. Ces politiques se réalisant avec la création de logements « bon marché » par le moyen d’aides financières ou immobilières qui risquent de se transformer en libéralités accordées par les collectivités publiques si les bénéficiaires n’en respectent pas les conditions. Ces dernières sont constituées par la construction, l’acquisition ou l’amélioration de logements sociaux ainsi que du maintien durable de leur caractère social.
Ces conditions recoupent par la même occasion celles exprimées par le Conseil d’État pour valider des libéralités concédées par les collectivités publiques en matière de cession de biens immobiliers.
Les sanctions peuvent être de deux (2) formes : la nullité de la cession du logement (a) ou le reversement de l’aide accordée (b) le plus souvent par l’État.

a- La nullité de la cession du logement vacant

Cette nullité prononcée par le juge concerne les logements-foyers appartenant aux OPH ainsi que ceux-là même conventionnés et appartenant aux collectivités territoriales tels que précisés par l’article L. 443-15-6 du CCH.
En effet, cet article fait état d’obligations mentionnées plus haut dont la sanction de l’irrespect peut être demandée par tout intéressé ou par l’administration dans un délai de cinq (5) ans à compter de la publication de l’acte de cession au fichier immobilier (même article). Nous estimons que cette procédure est également applicable pour la nullité de la vente de logements vacants prévue par l’article R. 443-12-2 susmentionné.

b- Le reversement de l’aide accordée en cas de cession du logement vacant

Aux termes des articles L. 341-1, L. 443-13 et L. 443-15-6 du CCH (qui fixent la règle), en cas de cession à titre onéreux ou gratuit de logements sociaux ou conventionnés vacants, construits, acquis ou améliorés avec des fonds publics, ces derniers doivent être reversés à l’État.
Aussi, le dernier alinéa de l’article L. 443-13 dispose que « En cas de vente d’ un logement ayant fait l’objet de travaux d’amélioration financés avec l’aide de l’État depuis moins de cinq (5) ans, l’organisme vendeur est tenu de rembourser cette aide ».

D- La cession d’immeubles publics en matière d’aides à l’investissement immobilier aux entreprises

Sous réserve de conditions de zonage et de plafond d’aides, les articles L. 1511-3, R. 1511-4 et suivants du CGCT donnent aux assemblées délibérantes des collectivités territoriales et de leurs groupements la compétence pour déterminer les conditions d’attribution, de liquidation, de versement, d’annulation et de reversement des aides accordées en vertu des dispositions susmentionnées et dont l’objet est la création ou l’extension d’activités économiques (CGCT, art. L. 1511-2).
L’octroi des aides à l’investissement immobilier accordées aux entreprises doit faire l’objet d’une convention par référence aux conditions du marché (CGCT, art. L. 1511-3).
Ainsi, la valeur vénale des terrains ou bâtiments utilisée comme référence pour la détermination du montant des aides que peuvent attribuer les collectivités territoriales et leurs groupements est fixée par France Domaine ou par un expert (CGCT, art. R. 1511-4).
Nous remarquons par ailleurs, après Ph. YOLKA, que « les cessions à l’euro symbolique de biens immobiliers au profit des entreprises sont exclues par le CGCT, vu les dispositions des articles R. 1511-4 et suivants ». En effet, ces articles imposent un plafonnement des aides accordées en fixant des pourcentages de la valeur vénale des immeubles instruments de ces aides à l’investissement. Au demeurant, nous exprimons une réponse positive à la question de Ph. YOLKA tendant à savoir si la décision du 25 novembre 2009 (Commune de Mer précitée) demeure applicable en matière d’aides immobilières nonobstant les dispositions règlementaires du CGCT en la matière. Un exemple parmi d’autres exigeant le maintien de la jurisprudence Fougerolles en la matière résulte de l’application des dispositions ouvertes du CGCT en l’occurrence l’article R. 1511-9 qui évoque une possibilité d’ « aides à l’investissement immobilier aux entreprises autres que les petites et moyennes entreprises ».

En définitive, nous remarquons que « cette interdiction des libéralités trouve un tempérament lorsque l’apport ou la subvention de la personne publique trouve une contrepartie dans l’action des personnes privées bénéficiaires […] En accordant une subvention, la collectivité se défait de son patrimoine autant que lorsqu’elle cède un terrain ou un bâtiment pour un prix inférieur à sa valeur »
Ce principe interdisant les libéralités lors de la cession d’un bien immobilier public dégagé par le juge et formalisé par le législateur n’en connait pas moins des entorses à défaut d’exigences d’une application cohérente par l’administration et le juge administratif.

Deuxième partie: Les exigences d’une application cohérente de l’interdiction de libéralité dans la cession de biens immobiliers publics

Chapitre 1: La discipline de la jurisprudence « Fougerolles » dans l’office du juge administratif

Chapitre 2: La cohérence de l’action administrative dans l’application du principe d’interdiction de libéralité dans la cession de biens immobiliers publics

Section 1: La définition d’une politique immobilière cohérente
A- La politique immobilière nationale
B- La politique immobilière territoriale
C- La cohérence: une approche globale
Section 2: La généralisation des actions efficaces dans l’application de l’interdiction de libéralité
A- L’action des autorités étatiques
B- L’action des autorités territoriales
Chapitre 2: L’application claire de la jurisprudence « fougerolles »

NB: La formule des ateliers-relais constitue une forme assez peu réglementée d’aide indirecte des collectivités locales. Elle consiste pour une collectivité publique à s’engager à construire, puis à louer, et en général finalement à vendre, un bâtiment destiné à accueillir une activité économique qu’elle souhaite voir s’installer sur son territoire. Par ce biais la collectivité allège la charge d’investissement de l’entreprise afin de permettre à celle-ci de développer l’emploi et l’activité.
Selon le Conseil d’État (CE, 11 juin 2004, n° 261260, Cne de Mantes-la-Jolie: Dr. Adm. 2004, n° 144) ces ateliers-relais peuvent appartenir au domaine public s’ils ont fait l’objet d’un aménagement spécial. Par ailleurs, le CE considère que leur construction constitue toujours une mission de service public.

TABLE DES MATIERES

Première partie: L’interdiction de libéralité dans la cession de biens immobiliers publics
Chapitre 1: Une interdiction de principe d’origine prétorienne
Section 1: Un principe dégagé par le Conseil d’État
Section 2: Un principe confirmé par le Conseil Constitutionnel
Chapitre 2: Une interdiction formalisée par la législation à travers les procédures de cession
Section 1: Les obligations procédurales dans la cession de biens immobiliers publics
A- L’obligation d’appel à concurrence pour céder un bien immobilier public
1- Une absence d’obligation pour les collectivités territoriales
2- Une obligation d’appel à concurrence pour l’État
B- Les dérogations à l’obligation d’appel à concurrence
1- Le cas des cessions amiables
2- Le cas de l’article L.3112-1 du CGPPP
3- Les dérogations du fait des conditions particulières d’utilisation de l’immeuble
C- La décision de l’autorité compétente
1- Pour les biens immobiliers de l’État
a- Le législateur
b- Le ministre en charge de l’économie et des finances
c- Le préfet
2- Pour les biens immobiliers des collectivités territoriales
a- L’avis préalable de France Domaine
b- La décision de l’assemblée délibérante
Section 2: Les formalités procédurales des ventes particulières de biens immobiliers publics
A- En ce qui concerne l’Etat
1- Les biens immobiliers exposés à des activités polluantes
2- Les biens immobiliers du domaine privé à usage de bureau
3- Les immeubles en indivision
4- Les terrains avec un programme de construction de logements en partie sociaux
5- Les biens immobiliers en provenance de successions en déshérence
B- Le terrain d’assiette d’une personne publique d’un monument aux morts
C- Les logements sociaux ou conventionnés vacants

Deuxième partie: Les exigences d’une application cohérente de l’interdiction de libéralité dans la cession de biens immobiliers publics
Chapitre 1: La cohérence de l’action administrative dans l’application du principe d’interdiction de libéralité dans la cession de biens immobiliers publics
Section 1: La définition d’une politique immobilière cohérente
A- La politique immobilière nationale
B- La politique immobilière territoriale
C- La cohérence: une approche globale
Section 2: La généralisation des actions efficaces dans l’application de l’interdiction de libéralité
A- L’action des autorités étatiques
B- L’action des autorités territoriales
Chapitre 2: L’application claire de la jurisprudence « fougerolles »

Le défi d’une génération.

Publié: 4 février 2011 dans Uncategorized

Il me plaît d’affirmer dès les premières lignes de cettte note que la valeur de l’Afrique reflétera celle de ses populations.

Il est plus que jamais nécessaire d’insister sur le rôle des filles et fils de ce continent dont l’histoire est atypique au vu de la traite négrière – 28 millions d’Africains déportés ( cf la revue L’Histoire n° 280) -, de la colonisation et de leurs séquelles (même si certains spécialistes (notamment Sylvie BRUNEL, professeur à l’université Paul-Valéry-Montpellier 3) répondent par la négation à la question: la traite a-t-elle fait le malheur de l’Afrique? Loin de solder les comptes de ce passé douloureux faute d’interlocuteur franc, nous, africains, héritiers présents de cette histoire, devons en tirer des leçons. « L’Afro-responsabilité n’est-elle pas la réponse à un appel émis d’Afrique? » Mon regard tourne vers la Tunisie.

Cette note est une maigre contribution à la réponse à cet appel.

En ce XXIème siècle, le pragmatisme forme la trame des idéologies. Comme dans beaucoup d’autres domaines, pour mieux comprendre les choses, il faut reconnaître qu’il ne suffit pas d’asséner des vérités, que les apparences voilent souvent une réalité complexe et que les décisions de bon sens sont prises en fonction du lieu et de l’époque. En l’espèce, le lieu c’est l’Afrique, avec ses atouts: richesses naturelles, cultures et solidarité, débrouillardise, démographie; et ses handicaps – défaillance des institutions publiques et privées, absence d’élites crédibles, fuite des cerveaux, dette publique, déséquilibre du commerce international. L’époque c’est le présent qui appelle un sursaut collectif, une prise de conscience généralisée sur l’urgence à trouver des solutions durables à la situation dramatique de certaines régions(Darfour, Côte d’Ivoire, Egypte…) ainsi qu’à la paupérisation de masse en Afrique.

L’intervention de la communauté internationale est certes, requise – depuis son rapport sur le développement dans le monde 1999-2000, la Banque mondiale reconnaît que les politiques de développement doivent répondre directement aux besoins des populations, ce qui est à l’opposé des Politiques d’Ajustements Structurels appliquées en Afrique dans les années 1980-1990 – mais charité bien ordonnée commençant par soi-même, « seule l’Afrique aidera l’Afrique ».

Le diagnostic de la situation économique, politique ou sociale est clair. Les responsabilités sont identifiées, alors passons à l’action pour apporter les solutions.

Cela peut se faire par étape comme l’exemple tunisien en atteste. Une société bien formée, politiquement mature et humainement responsable (d’autres diront ouverte), d’abord; l’expression de valeurs positives (exigence de respect de la dignité, de courage, du mieux être ensemble) ensuite; et enfin mise en place d’une nouvelle organisation prenant en compte les valeurs pré-citées. Ce sont là les traits de caractère de « l’Homme révolté » cher à Albert Camus. Ayons subitement « la force de dire non ».

Disons non aux dictateurs (toujours sanguinaires), aux monarques constitutionnels (dont celui du Sénégal), aux transmissions de pouvoir politique de père à fils (toujours à la mode en Afrique; que des fripouilles).

Par ailleurs, rendons hommage aux personnalités politiques ou autres, qui ont lutter pour la dignité de l’Homme Africain, pour rétablir la vérité sur son histoire, pour la promotion du patrimoine historique et culturel de l’Afrique (toutes mes pensées au professeur Cheikh Anta DIOP).

« L’Afro-responsabilité pose aussi la question de ce que nous allons transmettre, ce que nous devons léguer aux générations futures ». À ce propos, l’actualité est éloquente quant à la nécessité d’assurer la paix, le bien être et le développement économique harmonieux pour la postériorité. Pour que les générations à venir n’aient pas à pâlir de colère face aux débordements verbaux de certains sur l’Homme Africain, n’aient à mourir de honte si elles ne sont pas « choisies », qu’elles ne sombrent pas dans « Le ventre de l’Atlantique »1.

1. Fatou DIOME, Le ventre de l’Atlantique, 2003.

Senpartipointcom.

Election présidentielle en 2012.

Publié: 27 janvier 2011 dans Uncategorized

CE QUI SE CONÇOIT BIEN S`ÉNONCE CLAIREMENT ET LES MOTS POUR LE DIRE VIENNENT AISÉMENT.
APRÈS AVOIR LU ET SUIVI LE RAISONNEMENT DE GUY Carcassonne on est simplement éclairé.

– FAITS

1. Le Sénégal a appliqué la Constitution du 7 mars 1963 jusqu’à ce que celle-ci soit remplacée par la nouvelle Constitution du 22 janvier 2001, laquelle fut adoptée à l’issue d’un référendum organisé, en 2000, conformément à l’article 89 du texte antérieur.

Cette Constitution du 22 janvier 2001 fut à son tour révisée, notamment par la loi constitutionnelle n° 2008-66 du 21 octobre 2008.

2. S’agissant du Président de la République, la Constitution de 1963 lui attribuait un mandat de sept ans, sans limitation du nombre de renouvellements possibles.

La Constitution de 2001, au contraire, disposait dans son article 27 d’origine, d’une part, que le mandat ne serait désormais que de cinq ans, d’autre part, qu’il serait « renouvelable une seule fois ».

La loi constitutionnelle précitée de 2008, enfin, a réintroduit le septennat, sans remettre en cause la limitation de la rééligibilité.

3. Le Président Abdoulaye Wade avait été porté à la magistrature suprême, en 2000, lorsqu’était en vigueur la Constitution de 1963 et, partant, pour une durée de sept ans qui expirait normalement en 2007.

L’adoption, durant son mandat, du nouveau texte constitutionnel de 2001 aurait pu abréger son mandat, puisqu’elle prévoyait qu’il ne serait plus que de cinq ans. Toutefois, une disposition transitoire, devenue l’article 104 de la Constitution, avait explicitement précisé que « le Président de la République en fonction poursuit son mandat jusqu’à son terme », ce qui fut unanimement interprété comme signifiant que le mandat prendrait fin en 2007.

Ce fut effectivement le cas. Une nouvelle élection présidentielle fut donc organisée qui vit la victoire du candidat sortant, le Président Abdoulaye Wade.

II – QUESTIONS

4. A cette lumière, la question posée s’énonce en termes simples : le Président Wade, déjà élu à deux reprises, en 2000 puis en 2007, peut-il être candidat à la prochaine élection nonobstant la disposition selon laquelle le mandat est renouvelable une seule fois ?

C’est donc à cette question qu’il s’agira de répondre.

Néanmoins, l’analyse qui permettra de le faire suscitera inévitablement une seconde question, également formulée en termes simples : en quelle année doit prendre fin le mandat en cours ? Il ne paraît pas raisonnable de laisser cette seconde question sans réponse, aussi sera-t-elle également abordée le moment venu.

III – DISCUSSION

A – Sur l’éligibilité du Président sortant

5. La question ne soulève pas de difficulté dans la mesure où, d’une part, l’article 104 a pris soin, dans son second alinéa, de préciser que toutes les dispositions de la Constitution autres que celles relatives à la durée du mandat sont applicables au Président en exercice.

En conséquence, la prescription du second alinéa de l’article 27, selon laquelle le mandat est renouvelable une seule fois, est évidemment applicable au Président en exercice, comme elle le sera à ses successeurs, et celui-ci n’est donc pas rééligible.

L’on pourrait donc légitimement s’en tenir à cette évidence et arrêter ici la discussion.

6. Toutefois, un semblant d’incertitude est né, alimentant de timides controverses, de ce que la limitation du nombre des mandats est apparue postérieurement à la première élection du Président Wade, de sorte que l’on a cru pouvoir parler à ce sujet d’une disposition qui ne saurait s’appliquer au mandat attribué antérieurement, sauf à devenir rétroactive, en conséquence de quoi cette limitation à deux mandats ne devrait s’appliquer qu’à ceux confiés après celui en cours, soit à partir de 2007.

Il s’agit là d’un faux débat et d’une approche juridiquement tout à fait erronée. Ici, en effet, il n’y a nulle rétroactivité mais seulement application de la loi dans le temps, ce qui se comprend aisément si l’on veut bien se rappeler la nature de l’élection.

7. Sans entrer dans plus de détail que nécessaire, celle-ci n’est rien d’autre qu’une forme particulière de nomination, ce que Marcel Prélot appelait un « acte-condition », rappelant que « des volontés orientées dans le même sens s’additionnent en vue de produire un effet de droit ». Ainsi, lorsque les électeurs ont désigné l’intéressé (les « volontés orientées dans le même sens »), celui-ci accède à un statut déterminé (« l’effet de droit »).

Ce statut ne résulte en rien d’un contrat négocié et conclu entre électeurs et élu. Il est celui que déterminent les lois et règlements en vigueur et, pour le chef de l’Etat, la Constitution elle-même.

8. Dès lors, nul titulaire d’une fonction élective ne peut prétendre avoir acquis des droits qui lui seraient personnels. Il a simplement accédé au statut applicable à la fonction pour laquelle il a été choisi, et ce statut peut à tout moment évoluer, dès lors qu’il le fait selon les formes et conditions prescrites.

Pour raisonner sur une hypothèse d’école, s’il prenait demain la fantaisie au constituant, qu’il soit ici sénégalais ou français, de supprimer le poste de Président de la République, par exemple pour le remplacer par un organe collégial , celui en exercice ne saurait prétendre demeurer en fonction pour cela seul qu’il avait été élu pour un mandat, de sept ou cinq ans et disposerait de ce fait d’un droit à le mener à son terme. Ce serait là une conception patrimoniale de la fonction, qui n’aurait ni fondement ni justification.

Comme tous les corps constitués, le Président de la République n’a nuls autres droits que ceux que la Constitution lui confère et qu’elle peut tout aussi bien lui retirer ou amputer. En d’autres termes, il n’est que l’occupant de la fonction, il n’en est pas le propriétaire.

9. Dans ces conditions, si change un élément quelconque du statut que la Constitution a prévu pour le Président de la République, ce changement est immédiatement applicable, sauf disposition expresse contraire, laquelle ne peut être prise que par le constituant lui-même.

Ici, il n’y a donc pas de rétroactivité, pas plus, au demeurant, qu’il n’existe de réel conflit d’application de la loi dans le temps : c’est la Constitution en vigueur qui s’applique à tout moment dont, en l’occurrence, la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 27, à laquelle aucune disposition transitoire n’a prévu de déroger.

10. Ce n’est donc que dans le souci d’être complet que l’on fera observer au demeurant que même s’il y avait rétroactivité – ce qui n’est pas le cas – cela ne ferait cependant pas obstacle à l’application de cette disposition.

La non rétroactivité, en effet, n’est un principe de valeur constitutionnelle que dans le domaine répressif, ainsi que l’indique expressément le deuxième alinéa de l’article 9 de la Constitution. On ne trouve nulle autre trace, dans le texte constitutionnel, d’une prohibition qui serait plus large , ce qui signifie que l’on ne saurait en tout état de cause opposer à une disposition constitutionnelle un principe de non rétroactivité qui n’a au plus, hors le domaine répressif, qu’une simple valeur législative.

11. C’est d’ailleurs si vrai que c’est ce qui explique pourquoi, en 2001, le constituant a jugé nécessaire d’adopter les précisions que l’on sait dans l’article 104 : s’il ne l’avait pas fait, et compte tenu de l’analyse qui précède, le Président alors en fonction, quoi qu’élu pour sept ans en 2000, aurait vu son mandat prendre fin en 2005.

C’est pour éviter cet effet non désiré, mais qui se fût fatalement produit, que le constituant a exprimé sa volonté inverse, celle de voir le mandat en cours durer sept ans comme prévu au moment de son attribution.

12. Ainsi, de quelque manière que l’on aborde la question, elle conduit toujours à la même réponse, celle selon laquelle le Président en exercice ne pourra briguer un troisième mandat : la lecture du texte de l’article 27 suffit à l’établir ; ce constat résulte de la simple application de la Constitution en vigueur, sans que l’on puisse y voir la moindre rétroactivité ; une telle rétroactivité existerait-elle néanmoins – et l’on insiste à nouveau sur le fait que ce n’est pas le cas – qu’elle serait de toute façon impuissante à faire obstacle à une disposition constitutionnelle ; enfin, l’on ne comprendrait pas autrement l’utilité de l’article 104.

L’on espère avoir ainsi été suffisamment clair dans la réponse à la première question, ce qui autorise à aborder la seconde.

B – Sur la date d’expiration du mandat en cours

13. Le lecteur attentif aura compris qu’une partie de la réponse qui vient d’être donnée suscite l’interrogation à traiter.

Lorsqu’il est expliqué que, s’il n’y avait pas eu l’article 104, l’adoption du quinquennat, aussitôt applicable, aurait entraîné le raccourcissement du mandat en cours (supra, 11), ne doit-on pas en conclure que, en sens inverse, le retour du septennat est lui aussi applicable immédiatement au mandat en cours, dont la durée serait alors prolongée jusqu’à 2014 ?

Puisque, sauf précision constitutionnelle contraire, le passage de sept à cinq devait jouer dès son adoption, il pourrait être tentant d’en déduire que, de la même manière, le nouveau passage de cinq à sept devrait lui aussi jouer dès son adoption.

Mais il est nécessaire de résister à une telle tentation pour la simple raison que ces deux opérations, en droit, ne sont pas symétriques.

14. Dans le premier cas, en effet, celui du passage de sept à cinq ans, seule la situation du chef de l’Etat eût été affectée par une application immédiate. Or, on sait qu’un Président de la République ne dispose d’aucun droit au maintien du statut que la Constitution avait prévu au moment de son élection mais qui peut évoluer ensuite, y compris durant le mandat (supra, 8).

Au contraire, la situation des électeurs, elle, n’eût pas été affectée si le quinquennat s’était appliqué aussitôt. Ils eussent conservé leur droit à désigner le chef de l’Etat et eussent simplement été appelés à l’exercer plus tôt qu’initialement prévu, exactement comme cela peut se produire dans d’autres circonstances – démission, empêchement définitif, décès – qu’évoque le second alinéa de l’article 31.

15. Très différente serait l’hypothèse d’une prorogation du mandat en cours qui, initialement confié pour cinq ans, serait porté à sept. Là, ce n’est plus seulement la situation du chef de l’Etat qui se trouverait affectée, mais celle des électeurs eux-mêmes, donc du peuple sénégalais qui s’exprime par le suffrage universel.

Ce dernier, contrairement au chef de l’Etat, n’est pas un des corps constitués dont l’article 6 dresse la liste. Il est, comme cela est proclamé dès le début du préambule, « le peuple du Sénégal souverain ». C’est à lui, comme l’énonce l’article 3, que « la souveraineté nationale appartient ».

Rien, dans ces conditions, ne saurait lui être imposé à quoi il n’ait pas formellement consenti.

16. Certes, il a consenti, en adoptant la Constitution, à ce que celle-ci puisse être modifiée selon la procédure prévue à cet effet. Certes encore, cette procédure peut se dérouler sans que le suffrage universel y participe et les deux procédures concurrentes prévues par l’article 103 – référendum ou Congrès – sont l’une et l’autre également conformes à la loi fondamentale, sans qu’il y ait lieu à les hiérarchiser en droit, même si elles sont d’essences différentes en termes politiques.

Mais la révision de la Constitution ne saurait priver le suffrage universel de pouvoirs qui n’appartiennent qu’à lui. Elle peut lui en conférer davantage, comme a fait le nouveau second alinéa de l’article 27 , mais on ne saurait imaginer, par exemple, qu’une révision de la Constitution opérée par la voie seulement parlementaire ait pour objet un jour de confier une présidence à vie à un Président en fonction, même s’il a été régulièrement élu auparavant.

Une chose est certaine : l’actuel Président a été élu pour une durée de cinq ans. Tout le reste est incertain et nul, notamment, ne peut affirmer, au-delà d’éventuelles probabilités qui ne pourraient jamais être des certitudes, que le même candidat eût été élu si le suffrage universel avait été invité à exercer un choix pour sept ans plutôt que pour cinq.

17. En d’autres termes, la Constitution, bien qu’étant la norme suprême, ne peut offrir que ce qui relève d’elle et qui est considérable. Mais ne relève pas d’elle la possibilité de faire en sorte qu’un Président précédemment élu pour une durée donnée soit valablement considéré comme élu pour une durée supérieure, quelle qu’elle soit. Ainsi même la Constitution ne pourrait-elle faire qu’un Président élu pour cinq ans le soit pour sept .

Rien, dès lors, ne saurait altérer les constats simples et roboratifs selon lesquels, premièrement, le suffrage universel a élu, en 2007, un Président pour cinq ans et, deuxièmement, au terme de ce délai connu, il faudra élire un nouveau chef de l’Etat, celui en fonction auparavant n’ayant aucun titre à être maintenu.

IV – CONCLUSIONS

18. Au terme de cette analyse, et pour toutes les raisons qui y sont indiquées :

– à la première question – « le Président Wade, déjà élu à deux reprises, en 2000 puis en 2007, peut-il être candidat à la prochaine élection nonobstant la disposition selon laquelle le mandat est renouvelable une seule fois ? » – la réponse est négative ;

– à la seconde question – « en quelle année doit prendre fin le mandat en cours ? » – la réponse est 2012.

Fait à Paris, le 2 novembre 2010